Fort L’Écluse
Bâti sur l’emplacement d’une maison forte savoyarde, le fort défend la frontière face à Genève. Il est renforcé d’un ouvrage supérieur lors de la création du Royaume de Piémont-Sardaigne. Abandonné par l’armée après la Deuxième Guerre mondiale, il est acquis en 1981 par un SIVU des communes du pays de Gex qui procède lentement à sa restauration. Poste frontière, à l’escalier monumental, le fort aujourd’hui fait l’objet d’une étude de réutilisation par Prospective & Patrimoine autour du concept fédérateur de la notion de passage. Il devrait accueillir un centre d’interprétation de l’architecture fortifiée et un musée de la Frontière. Enfin un développement sur l’art contemporain est envisagé pour le futur.
Les musées militaires
Notre pays compte actuellement environ quatre cents musées militaires de toutes tailles couvrant toutes les périodes de notre histoire et, notamment, les deux-cents dernières années, de la Révolution française et du Premier Empire au dernier conflit mondial. Une histoire mouvementée a réparti, sur tout le territoire métropolitain, ces musées avec une concentration évidemment plus forte dans les régions du nord-est où se déroulèrent la plus grande partie des combats, Normandie exceptée.
Le contenu de ces musées est souvent très riche, mais leur présentation est souvent désuète et inadaptée aux exigences actuelles des visiteurs. Même les plus grands et les plus renommés d’entre eux, au plan national et international, ne sont pas au niveau des meilleures réalisations anglo-saxonnes ou belges. Dans ce domaine également, il sera nécessaire de concevoir et de conduire une nouvelle politique de mise à niveau et de promotion pour un patrimoine exceptionnel mais peu connu qui reçoit pourtant chaque année, lui aussi, environ cinq millions de visiteurs.
Les plus prestigieux de ces musées militaires sont les musées des trois armées de Terre, de Mer et de l’Air. Le musée de l’Armée aux Invalides constitue l’une des plus complètes et des plus prestigieuses collection d’armes et d’uniformes qui puisse se trouver en Europe et même dans le monde.
Le musée de la Marine installé au palais de Chaillot va entreprendre lui aussi une rénovation de sa muséographie, afin de répondre mieux aux attentes du public que la qualité exceptionnelle de ses collections mérite. On notera cependant que ce musée est davantage le musée de la Navigation, à travers les âges, et de la Marine royale que celui de la Marine nationale qui n’y est guère présentée.
Dans le domaine des matériels, comme dans celui des fortifications, la réduction du format des armées et leur retrait de nombreuses casernes et dépôts, va également poser un problème de conservation et de sauvegarde, de certains de ces matériels, dont il n’existe que peu d’exemplaires et qui servaient jusqu’alors de trophées ou d’ornements à l’intérieur de ces casernements. Ceux-ci risquent d’être ferraillés, si aucun inventaire n’en est préalablement établi. Dans de nombreux cas, ces matériels pourraient, soit venir compléter les collections des musées spécialisés, soit notamment pour les matériels d’artillerie, rééquiper des ouvrages fortifiés qui en sont dépourvus et dont ils amélioreraient grandement la présentation muséographique.
Là aussi, il y a urgence à ne plus différer ces indispensables mesures de conservation et d’inventaire, autrement, ce serait une perte irréparable pour le patrimoine militaire français. Elle viendrait s’ajouter aux nombreuses sorties de militaria que l’on constate ces dernières années au profit de collectionneurs étrangers et de musées du monde entier à la recherche de pièces d’armements et d’uniformes devenus rares, et qu’à la faveur des successions des collectionneurs qui les avaient initialement constituées, ils peuvent acheter en France dans des conditions financières avantageuses.
Comme pour le patrimoine fortifié, les collections militaires mériteraient une politique d’ensemble, substituant à des dévolutions au coup par coup, un schéma cohérent de répartition des matériels préalablement recensés et d’organisation des musées militaires à caractère historique ou scientifique et technique.
La refonte des dix plus importants d’entre eux doterait notre pays d’un des plus prestigieux ensembles de muséographie militaire qui soit au monde.
Les champs de batailles et les lieux de mémoire
C’est la troisième composante du patrimoine militaire. Elle rassemble elle aussi environ cinq millions de visiteurs par an. En tête, les plages du débarquement des alliés en Normandie, avec environ deux millions et demi de visiteurs, suivies des champs de batailles de Verdun, de l’Artois, de la Somme de l’Alsace et de Champagne, avec chacun de deux cent mille à huit cent mille visiteurs. D’autres lieux de mémoire, comme les maquis du Vercors, des Glières, du mont Mouchet ou encore les lieux de martyres tels que les camps du Struthof ou Oradour-sur-Glanes accueillent chaque années plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines, de milliers de visiteurs.
Seuls les lieux de mémoire des deux dernières guerres mondiales sont actuellement visités et offrent une infrastructure d’accueil et une muséographie minimum. Les sites des batailles de la guerre franco-allemande de 1870 et ceux des plus célèbres batailles telles Azincourt, Bouvines, Poitiers, etc, ne font actuellement l’objet d’aucune valorisation historique. IL y a là un gisement inexploité qui, dans le cas de circuits thématiques, pourrait être valorisé par les régions et les départements.
Une réflexion d’ensemble s’avérera, là aussi, nécessaire pour la modernisation de la muséographie des musées existants et pour la mise en œuvre de programmes de mise en tourisme de ces lieux, dont beaucoup semblent susciter une demande à laquelle il n’est pas pour le moment répondu.
C’est dans cet esprit que les ministres en charge de la Défense, des Anciens combattants et du Tourisme, ont décidé de mener conjointement une réflexion d’ensemble sur ces trois types de patrimoines. Des opérations pilotes seront menées en faveur du musée de l’Air et de l’Espace, de centres de restitution historique dans le Nord-Pas-de-Calais et en Alsace-Lorraine, des lieux de mémoire et des champs de batailles de ces régions. À court terme, c’est sur un schéma de mise en valeur globale de ces différents types de patrimoine que cette réflexion devrait pouvoir déboucher, en y associant dans le cadre des contrats de plan, les collectivités territoriales directement intéressées.
Enfin, au delà de l’intérêt de cette valorisation touristique du patrimoine historique, militaire et fortifié, la mise en valeur de ces collections, de ces ouvrages fortifiés et de ces lieux de batailles chargés de mémoire, pourrait jouer un rôle non négligeable dans la sensibilisation des jeunes scolaires à la permanence des problèmes de défense et au renforcement de la relation Armée-Nation. La visite didactique de ces collections et de ces lieux de mémoire pourrait en effet, pour eux, constituer un support pédagogique sans doute bien plus attractif que des cours théoriques d’instruction civique.
C’est donc un véritable enjeu, non seulement culturel mais aussi de citoyenneté que constitue le patrimoine historique militaire et fortifié. Puissent les pouvoirs publics en mesurer l’intérêt et les collectivités locales saisir le potentiel qu’il représente pour la diversification de leur offre culturelle et touristique.
Alain MONFERRAND
Agence française de l’ingénierie touristique (AFIT)